Voyage au Japon: l'atelier de papier de Monsieur Hasegawa-San

octobre 17, 2019


Le village d'Aoya au Japon

Notre arrivée dans le village d'Aoya

Nous avons fait 4h de route depuis Kyoto pour arriver à Aoya, "la vallée bleue" près de Tottori.
Nos fantasmes d'occidentaux sur ce pays n'étaient même pas à la hauteur de cette ambiance paisible et bucolique qui y régnait. Ce petit village tranquille ressemble à une carte postale de montagne en bord de mer. Lorsque nous sommes arrivés dans la maison traditionnelle de Norito Hasegawa, nous sommes entrés dans une bulle hors du temps. Dans son atelier tout était là pour nous montrer chaque étape de la fabrication du papier.

Emilie Even de "Hariko paper" (voir l'article de présentation de son travail ici) grâce à qui nous avons pu entrer en contact avec cet artisan de papier japonais, maîtrise la langue japonaise et connaît Norito depuis quelques années. Elle a pu ainsi créer un beau moment d'échange entre nous tous. Norito Hasegawa travaille depuis 35 ans dans son atelier familial. C'est une histoire de transmission familiale qui se perpétue depuis son arrière grand-père.

Norito et sa femme Kyoko semblaient touchés par notre venue et nous ont accueillis dans leur maison traditionnelle avec un thé vert et un gâteau au matcha servi autour de la table typiquement japonaise nommée Kotatsu avec une couette intégrée!



Mais il ne fallait pas perdre de temps malgré la parenthèse enchantée qui nous entourait. 
Nous sommes de suite allés voir la fabrication du papier à la main dit "Tesuki Washi" pour savoir de quoi il en retourne. Son atelier possède deux bacs, ainsi seulement deux personnes peuvent fabriquer son papier et c'est dans cet espace que tout se fait.
La lumière qui caressait la pièce de l'atelier rendait les gestes répétitifs et maîtrisés de Norito et de son fils encore plus irréels. Dans le calme ambiant, la famille Hasegawa fabrique ses papiers Inshû.


Norito Hasegawa dans son atelier

L'atelier de papier Inshû fait main de Norito Hasegawa

Norito Hasegawa en train de faire son papier
La spécialité de la région de Tottori, c'est le papier Inshû

Emilie Even explique qu'il s'agit du premier washi artisanal reconnu comme traditionnel par le gouvernement japonais, avec le label "Densan". C'est un papier qui date du 8ème siècle. Il s'agit du premier papier introduit au Japon. Il est utilisé pour la calligraphie, les cerf volants, les portes coulissantes. Apparemment il serait parfait pour la calligraphie car il n'abîme pas les pinceaux et leurs tracés sont nettes. La province de Tottori et le petit village d'Aoya en particulier se prête parfaitement à sa fabrication par ses conditions climatiques idéales. Des montagnes face à la mer qui donnent une nature verdoyante, un climat doux et une eau propre et limpide. L'atelier de Norito Hasegawa est l'un des derniers de la région à faire son papier à la main. La plupart des washi Inshû à usage quotidien sont fabriqués aujourd'hui avec des machines pour répondre à la demande et réduire les coûts.Cette visite d'atelier nous a permis de bien comprendre les différentes étapes d'un papier fabriqué à la main et d'intégrer tout le travail qui se cache derrière une feuille de washi artisanale.

La fabrication du papier washi étape par étape

1- La récolte des plantes comme matière première du papier.

La plupart du temps, c'est le mûrier à papier "Kozô" qui sert à sa fabrication, sa fibre très résistante sert de base aux papiers. On peut le mélanger à une autre plante, le "ganpi" aux fibres plus courtes pour un papier au rendu plus doux et fin. Puis il y a le "Mitsumata"qui est aussi très répandu. Tout ça pour dire qu'il existe une multitude de possibilités de papiers japonais avec des spécificités propres à chacun.

2- Le grattage et la préparation de la pâte à papier

Voici en image des écorces de Kozô qui trempent dans l'eau avant de procéder au grattage de la fine peau de ses branches avec un couteau. La peau verte est gardée pour donner de la résistance aux papiers comme pour la fabrication d'ombrelles par exemple.



Ces fibres sont ensuite trempées dans l'eau, parfois blanchies pour faire un papier plus blanc. 
Elles sont ensuite broyées pour former une pâte avec une batteuse qui cisaille les fibres de kozô. 


3- La préparation du bac pour faire le papier

Afin que les fibres une fois préparées ne tombent pas au fond du bac à eau, on y met une sorte de colle naturelle faite à partir des racines d'une plante qui se ressemble à première vue à une sorte d'aliène! Cette colle gluante et transparente permet à la pulpe de rester en suspension et de renforcer le papier.


Cadre en bois sur lequel on dispose le tamis, pour le plonger dans le bac

4- Les bons gestes pour former sa feuille de papier

C'est avec un cadre en bois attaché à des ficelles au plafond que l'on recouvre d'un tamis (suketa) en bambou finement tressé, qu'on plonge dans un bac rempli d'eau claire, de pulpe et de colle naturelle que l'on remonte et que l'on récupère la pulpe.



Le tamis de Monsieur Hasegawa a 30 ans et c'est un homme de 70 ans qui le fabrique! Il est l'un des derniers fabricants de tamis en bambous fait mains du pays. Ce tamis très fin et rare aujourd'hui est pourtant un outil essentiel dans la fabrication du papier, c'est lui qui donne un caractère à la feuille, son tissage s'aperçoit sur les feuilles de papier. 






Norito Hasegawa disperse les fibre de façon homogène d'un geste sûr et précis sur son tamis. Cela se fait dans un mouvement de gauche à droite et de haut en bas pour dégorger la pulpe et bien l'étaler. Cette étape peut-être répétée selon le choix de l'épaisseur du papier attendu.
On y décèle des années d'expérience quand on voit la rapidité et l'assurance avec laquelle Norito Hasegawa fabrique cette feuille parfaite prête à être séchée, sans la moindre fibre qui accroche le tamis au démoulage. Quand on l'observe faire sa feuille de papier il paraît comme en méditation.

5- Dernière étape : le séchage de la feuille de papier 

C'est  Kyoko, la femme de Norito qui sèche les feuilles de papier sur un chauffage spécial pour le papier qui se présente comme un mur de métal chauffant qui se nomme le "teppan". Elle y applique les grandes feuilles de papier avec une brosse en crin de cheval qu'elle étale sur la plaque métallique. Cette étape de séchage se fait en quelques secondes et donne au papier un aspect lisse et doux.





 Après il faut choisir son papier, et ça aussi c'est difficile !

Créations personnelles de papiers colorés en pièce unique de Norito Hasegawa




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