Il y a deux ans, nous faisions la rencontre d'Emilie Even, française expatriée au Japon qui consacre son temps à la promotion du si délicat Washi : Le papier Japonais dont le savoir-faire artisanal fut inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco en 2014.
A l’époque, elle parcourait la France pour promouvoir cet artisanat japonais méconnu auprès des professionnels et autres passionnés d’arts graphiques : ateliers d''artistes, agence print, papeterie, boutique de décoration, designers … 
Nous vendions à l'époque du papier japonais à motifs (Washi Yuzen, dont les graphismes colorés sont souvent inspirés des kimonos,) et quelques sérigraphies du Marquis de Moon dans notre ancienne boutique. En nous contactant, elle avait eu l'intuition que nous pourrions être sensibles à sa démarche. Bingo ! C’est un nouveau monde qui nous ouvrait ses portes. Celui d’une gamme de papiers aux caractéristiques exceptionnelles : une texture et un touché unique, une matière délicate mais résistante, un aspect organique brut et moderne à la fois…Bref, nous étions conquis.
Ainsi, nous avons longuement échangé sur nos besoins et le type de papier qui pouvaient nous inspirer des créations.  Les années ont passées sans avoir le temps de concrétiser nos projets et c'est en créant "Pappus éditions", qui place le papier est au cœur de ses créations, qu'il nous est apparu évident de reprendre contact avec Emilie en allant la voir au Japon. 

Emilie Even, la créatrice de Hariko Paper, réside au Japon depuis maintenant 7 ans. Venue à l’origine finir une thèse en chimie/géologie dans la région d’Osaka, sa passion pour la culture japonaise l’amène progressivement à quitter le monde de la recherche pour se consacrer au papier japonais.

C’est le papier Washi Yuzen et ses multiples applications qui l’attirent dans un premier temps. Afin de vivre sa nouvelle passion à 100% et de la partager, elle se lance dans la commercialisation de « box » de papeterie japonaise et crée son site de vente en ligne Harikopaper. 

Papier Yuzen en vente sur le site de Hariko paper

Manuelle et bricoleuse, Emilie s’intéresse parallèlement aux techniques de fabrications traditionnelles et décide de sillonner le Japon pour aller au contact des artisans porteurs de ce savoir faire exceptionnel : expériences qu’elle relate régulièrement sur son blog. C’est un trésor d'histoire et de connaissances qu'elle découvre derrière leur savoir-faire.
Au fil de ses rencontres, elle affine ses connaissances et développe son réseau ce qu’il lui permet de dénicher et de proposer sur son site des papiers d’une rareté et d’une qualité exceptionnelle. Avis aux créatifs et aux artistes qui cherchent des matières spécifiques pour leurs créations ! Les papiers washi portent différents noms, il en existe une multitude pour des usages différents (calligraphie, gravure, peinture, sérigraphie, papier mâché, pliage, paravent, impressions photo...).

Un savoir-faire en déclin

Beaucoup d'artisans ne parlent pas forcément anglais et n'ont pas les outils pour communiquer et valoriser leur art. Ils ont la conviction au fond d'eux que leur savoir-faire est unique mais ont des difficultés à le diffuser à l'extérieur de leur pays. C'est un travail de passion peu lucratif, à la fois physique et technique. La plupart d'entre eux sont déjà âgés et ne trouvent pas de jeunes pour reprendre leur suite.

Touchée par ces rencontres, Emilie s'est donnée pour mission d'expliquer cet art auprès d'occidentaux qui pourraient comme nous, être sensibles à un papier derrière lequel il y a des hommes et une histoire.

Grâce à elle nous avons eu la chance de pouvoir nous introduire dans ce milieu confidentiel. Par sa connaissance de la langue et la confiance qu’elle a construit avec les maîtres papetiers nous avons pu partager un moment unique dans l'atelier de Hasegawa-San. Une expérience exceptionnelle (à découvrir dans le prochain article) qui vous fera aimer le papier artisanal japonais, j'en suis persuadée.

Afin de démocratiser le papier washi artisanal, Emilie peut organiser des rencontres avec différents artisans et servir de guide interprète auprès de personnes sensibles à cet art et qui souhaitent travailler avec ces papiers.

Amateurs de papiers, je vous conseille vivement de visiter son site et son blog : Hariko paper

Déjà contactée par une maison d’édition pour écrire un livre sur le papier washi japonais artisanal en français, Emilie Even devient petit à petit une spécialiste dans le domaine. Nous continuerons ainsi à suivre ces découvertes avec bonheur.

L’aventure de Pappus éditions a vraiment débuté en janvier 2019, lorsque nous avons trouvé une ancienne machine typographique de renommée, la célèbre Heidelberg. Une ingénierie allemande de haute précision qui existe depuis1926. Les ancêtres de la presse à platines existaient déjà aux Etats-Unis depuis 1880 ! et fonctionnait manuellement. Après, une longue période de recherche pour trouver une Heidelberg en bon état, la chance nous a sourit. Cette machine d’imprimerie nous attendait patiemment dans un hangar à Bordeaux, prête à fonctionner.
Il a fallut alors réfléchir à une logistique spécifique pour transporter vers Brest ces 1,5 tonnes de métal sur les routes de France. 

Une fois arrivée à bon port ce n'est pas si simple de sortir la machine du camion.

C’est impressionnant de voir cette masse transportée dans les airs.

Quelle beauté se cache derrière ce paquet?

La mise en marche

Grâce au mode d’emploi, aux vidéos d’amateurs d’Heidelberg de part le monde et une pratique de la petite presse à platine à levier manuelle Adana, Stéphane a pu lancer la machine et produire quelques cartes après quelques jours de bichonnage de la machine (huiler, astiquer, visser, comprendre, écouter les sons suspicieux). Quelques jours d’apprivoisement pour connaître ses rouages.C'est un apprentissage qui ne sera semble-t'il jamais terminé, car cette machine dévoile ses multiples possibilités à chaque créations.
Sa première mise en marche, fût un réel étonnement. Entendre la douceur du souffle de cette énorme machine de métal qui semble respirer avec ses deux bras pivotant nous faisaient penser à un robot d'un autre temps avec un je ne sais quoi de mélancolique. On pourrait la regarder travailler des heures, avec l’étalement de l’encre sur les rouleaux et son le rythme régulier qui presse ses impressions. Ce spectacle est complètement hypnotique.

Mieux vaut des images qu’un beau discours :

Il s'agit d'une machine d'1,5 tonnes tout de même ! qui imprime des textes ou des images sur différents papiers ou carton en exerçant une forte pression pouvant aller jusqu'à une puissance de frappe de 40 tonnes grâce à un système de genouillère ( ).

Ce sont des caractères ou des illustrations en relief enduits d'une encre grasse sur lesquels les bras de la machine poseront les feuilles de papier qui viendront se presser sur eux. Avec de l'expérience et du savoir faire (calage). Ces sortes de tampons en relief étaient réalisés en plomb, zinc, cuivre ou plomb ou bois et aujourd'hui pour ce qui est de Pappus éditions nous optons pour des plaques polymères d'origines naturelles pour des raisons écologiques. Le processus de fabrication des tampons feront l'objet d'un autre article prochainement.

Cette machine massive est issue d'une ingénierie tellement bien pensée qu'elle a été utilisée encore il y a peu de temps avant l'arrivée du Offset en 1980.

Pour nos éditions nous utilisons comme les américains la technique du "Letterpress" qui permet d'embosser les formes d'impressions sur le papier afin de valoriser le grain du papier ou ses fibres. C'est à dire que les formes s'enfoncent dans l'épaisseur de la fibre.

Sources sur l'historique de la platine Heidelberg:  

Blog plume et papier

Musée de l'imprimerie et de la communication graphique (Lyon)